Grand écart
Au moment où ceux qui avaient participé au C.E.S. revenaient de Las Vegas éblouis, ou inquiets -c’est selon- de ce que le numérique, la connexion et l’intelligence artificielle vont apporter aux dispositifs médicaux, l’ANSM recevait les sociétés savantes, l’ordre des médecins, les institutions de la santé, des patientes et des associations de patients pour trouver des pistes d’amélioration dans le traitement des fuites urinaires et du prolapsus pelvien. Découvrant (vraiment ?) que sauf suivi très efficace par des professionnels de santé aussi humanistes qu’engagés, trop de patientes étaient depuis longtemps « laissées dans la nature » et devaient se débrouiller avec des pathologies compliquées, douloureuses et taboues, en outre très déstabilisantes socialement. Lorsque l’intime devient de l’hygiène, c’est nettement moins glamour.
C’est tout le paradoxe de l’évolution de la santé en général et des dispositifs médicaux en particulier. La recherche avance à pas de géants, les progrès thérapeutiques sont significatifs et trop de patient(e)s n’en bénéficient nullement, sont oubliés sur le bord de la route qui repart de l’hôpital. On en connaît qui auraient enfilé des gilets jaunes pour bien moins que ça.
Le plus révoltant est que le problème, pour revenir aux fuites urinaires et au prolapsus pelvien, tient surtout à des lacunes administratives. La plupart du temps les opérations sont réussies alors même qu’elles sont assez opérateur-dépendantes. C’est le suivi qui est défaillant. Le problème est bien plus administratif que thérapeutique : à l’image de notre merveilleux système de santé : nous avons la chance d’avoir une médecine et une chirurgie accessibles et de très grande qualité, surtout si on les compare au reste de la planète (Scandinavie exclue, probablement). C’est la gestion qui pèche : ordinateurs désuets, enregistrement des patients défaillant, multiplication des actes redondants, sinon inutiles voire dangereux, non formation permanente des personnels administratifs, du coup trop faible attention portée aux patients : « on soigne des maladies, pas des malades ». Tout ceci peut être amélioré et les technologies peuvent naturellement y contribuer. C’est cependant une entreprise de très longue haleine, dans laquelle il ne faut surtout pas donner des solutions uniquement techniques à des problèmes qui ne le sont pas. Il y a de l’humain là dedans. On ne le résoudra pas en faisant admettre l’Administration aux Urgences. C’est une pathologie qui ne se soignera qu’à moyen terme. Il faut donc s’y mettre tout de suite.